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Le mariage de Figaro de BEAUMARCHAIS
Acte II scène 1 (confidences entre Suzanne et la Comtesse) La scène
dans son intégralité
Le
mariage de Figaro : Acte II scène 1 (p 123-125)
La scène se passe dans "une chambre à
coucher superbe". Cette scène est intéressante car elle permet de faire
le point sur l'action :
-Almaviva veut séduire Suzanne ou au moins
empêcher son mariage
-Figaro et Suzanne veulent de marier et
empocher la dot promise
-Marceline veut épouser Figaro et apparaît
comme une alliée d'Almaviva
-Bartholo veut de venger de Figaro.
-Suzanne fait part à la comtesse des
sentiments du jeune page à son égard.
I
/ Étude du personnage de la comtesse dans ses relations avec :
1)
Suzanne
Cette scène est une scène de confidences. La
comtesse utilise des termes, qui témoignent d’une réelle affection, au-delà
du couple traditionnel maître-valet. La comtesse appelle Suzanne par un
diminutif : « Suzon » ; elle l’appelle « ma chère »,
« ma pauvre ». Suzanne est franche : elle dit à la comtesse
« je n’ai rien à cacher à Madame ». La comtesse ressent une
certaine douleur, car elle constate une fois de plus qu’elle est abandonnée
par son mari. Elle souffre de l'état d'épouse. Elle se sent délaissée. Malgré
cette souffrance, elle n’est pas du tout jalouse de Suzanne, elle ne tient pas
cette dernière pour responsable, elle veut assurer le bonheur de Suzanne. Elle
est déterminée à faire épouser Figaro et Suzanne. Elle emploie le futur de
l’indicatif, en disant « tu épouseras Figaro ». D’un côté
comme de l’autre, il y a entre Suzanne et la comtesse un respect mutuel qui va
au-delà d’une simple relation de classe. On pourrait presque parler d’une
relation amicale. Malgré leurs différences de statut social, et au-delà des
conventions, les deux femmes s’allient pour faire face au comte. Cependant,
Beaumarchais laisse certains signes, qui montrent la supériorité hiérarchique
de la comtesse, avec un jeu du tutoiement et du vouvoiement par exemple. Les désignations
qu’utilise Suzanne montrent son infériorité sociale : « Madame »,
« Monseigneur », « sa servante » (pour se désigner). On
voit que c’est la comtesse qui dirige, avec l’emploi de l’impératif
« conte-moi ». C’est toujours elle qui mène la conversation, qui
pose les questions, Suzanne ne faisant qui répondre.
2)
Almaviva
La comtesse apparaît comme encore amoureuse
de son mari. Dans son aveu, le champ lexical de l’amour est présent :
« ah je l’ai trop aimé ! Je l’ai lassé de mes tendresses et
fatigué de mon amour ; voilà mon seul tort avec lui ». Les
exclamations témoignent de son trouble. Mais la comtesse veut reconquérir le
comte, désireuse de reconstruire son mariage, elle aime le comte. Lui, il la
fuit. « Sans cette constance à me fuir… » Cela montre que la
comtesse souffre de l’absence de son mari. Le comte Almaviva ne tient pas ses
engagements du Barbier de Séville. En apparence, la comtesse semble fataliste
et lucide, il y a un élargissement : elle généralise l’attitude du comte :
« comme tous les maris », « les hommes sont bien coupables ».
C’ est une manière d’affirmer que ce qui lui arrive est assez commun.
Pourtant, sous cet apparent détachement, c’est une femme qui apparaît blessée :
si ces mots ne la trahissent pas, ce sont ses attitudes qui le font : « elle
se lève, se promène, en se servant fortement de l’éventail ». La
chaleur est un moyen de laisser transpirer sa détresse.
3)
Chérubin
Curieusement, c’est la comtesse, qui au début
de la scène, par ses questions, va orienter la conversation sur Chérubin. Elle
demande : « et le petit page était présent ? ». Les
nombreuses interrogations témoignent de son vif intérêt pour ce que dit
Suzanne. A plusieurs reprises, l’évocation de Chérubin va interférer la
discussion. Suzanne rappelle que Chérubin a été témoin des avances du comte
à Suzanne. La comtesse en est blessée.
Suzanne révèle la dévotion de Chérubin
pour la comtesse. Pour ce dernier, la comtesse est inaccessible. "le petit
page"àl'adj.
"petit" est utilisé à plusieurs reprises. La comtesse considère Chérubin
comme un enfant à protéger (« moi qui l’ai toujours protégé », « quelle
enfance »). La comtesse n'a pas d'enfant et Chérubin est perçu avec un
sentiment maternel. Elle est blessée à cause de son mari, et troublée par les
sentiments de Chérubin. L’évocation de Chérubin entraîne la comtesse dans
la rêverie par deux fois. Elle rêve d’amour puisqu’elle est délaissée.
Chérubin apparaît comme un élément perturbateur. Il y a là de la part de la
comtesse, une attitude ambiguë, qui fait toute la profondeur de son personnage.
II
/ Étude de l'espace scénique (de la scène)
C’est la chambre de la comtesse qui est décrite.
Il y a beaucoup d’ouverture pour pouvoir fuir : porte d’entrée, porte
du cabinet, porte des femmes, et fenêtre. On peut donc se déplacer facilement,
sans être vu, et les ouvertures sont des sources d’informations. La chambre
est un lieu symbolique, car elle représente l’intimité amoureuse. C’est
aussi un lieu de confidence et un lieu de rencontre. La porte fermée au début,
montre cette intimité. Les femmes sont confinées dans un espace intérieur,
l’extérieur est réservé aux hommes. On a aussi l’espace du rêve, caractérisé
par les rêveries de la comtesse ; c’est un espace imaginaire. On voit
que le début de cet acte est assez riche en informations. Le duo formé par
Suzanne et la comtesse semble mettre en place une complicité assez forte, pour
entraver les projets du comte. Les deux femmes ont d’ailleurs recours à la
fin à la seule aide commune qui puisse leur être efficace : Figaro. Toute
la profondeur des sentiments de la comtesse repose sur la richesse des
sous-entendus : de toute évidence, la comtesse est bien plus blessée
qu’elle ne le dit par l’attitude de son mari, et de même, elle éprouve
pour Chérubin bien plus de sentiments qu’elle ne veut l’admettre.
Conclu
:
La complexité et l’ambiguïté des sentiments de la comtesse risquent de
compliquer la suite de l’intrigue. Cette scène est assez lente, elle apparaît
comme une sorte de pause, du fait de la rêverie de la comtesse.
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