|
Le mariage de Figaro de BEAUMARCHAIS
Acte III scène 5 (scène de Goddam) "Le comte : ...j'avais quelque
envie de t'emmener à Londres" jusqu'à : "N'humilions pas l'homme qui nous
sert bien, crainte d'en faire un mauvais valet".
Le
mariage de Figaro Acte III scène 5 (p 162-164)
Figaro vient juste de surprendre le monologue
du comte. Pour la première fois depuis le début de la pièce, ils se
retrouvent seuls. Cette occasion ne se représentera plus par la suite. Le comte
se demande si Suzanne a révélé les avances qu’il lui a faites. Cette scène
est basée sur la rivalité des hommes vis à vis de Suzanne.
I
/ Le duel verbal
1)
Les stratagèmes du comte
Le comte aborde le thème du voyage. Il
propose à Figaro d ‘aller à Londres, car il vient d’y être nommé
ambassadeur d’Espagne, et il voudrait que Figaro devienne son porteur de dépêches
là bas. Ainsi Figaro serait absent, et laisserait Suzanne à la merci du comte.
Figaro semble d’abord accepter, ce qui rassure le comte, car en
acceptant, Figaro laisse sous-entendre qu’il n’est pas au courant des
projets du comte vis à vis de Suzanne.
Ensuite, le comte a recourt à la nostalgie. « Autrefois
tu me disais tout ». Le comte cherche à l’apitoyer sur leur ancienne
complicité et à lui faire dire ce qu’il veut entendre. En effet, dans le
barbier de Séville, le comte et Figaro étaient complices en ce qui concernait
la comtesse. Figaro ne se laisse pas prendre au piège. Il retourne les répliques
en utilisant les mêmes structures et les mêmes éléments, il répond au tac o
tac (anaphore de « combien », reprise du verbe « donner »,
« autrefois tu me disais tout » réponse : « Et
maintenant je ne vous cache rien )
2)
Le sens de la répartie (réplique instantanée qui montre de l'esprit)
de Figaro
Ici, se déroule un affrontement d’homme à
homme et non de maître à valet, grâce à la maîtrise du langage et à
l’intelligence de Figaro. Il ne peut pas y avoir de duels physiques, car ils
n’ont lieu qu’entre personnes du même rang social, il y a donc duel verbal.
Il ne peut y avoir un duel véritable car ils n'ont pas les mêmes conditions
sociales. La ruse oratoire remplace le pouvoir de l’autorité, Figaro
sous-entend la dépendance du comte envers Figaro (voir la dernière réplique).
On peut qualifier Figaro de beau parleur, il a réponse à tout. Figaro a aussi
l’avantage dans le domaine de l’information. Il connaît les intentions du
comte, l’identité de l’inconnu du cabinet, « Chérubin », et
les motifs réels de l’invitation pour Londres. Figaro va déclencher le
comique, volontairement, en retardant les conclusions d’Almaviva. Il fait
diversion avec la fameuse tirade de God-dam. C’est un juron qui occupe la scène.
On a l’impression d’avoir une pièce de théâtre à l’intérieur de la pièce.
Figaro est le comédien de cette pièce de théâtre. Le comique vient de
l’absurdité du God-dam Chaque fois qu’il dit God-dam, c’est l’inverse
de ce qu’il voulait dire.
3)
Les apartés
Pour Figaro, l’aparté sert à montrer sa
stratégie et comme il sait plus de chose que son maître, il veut le prendre à
son propre piège. ("il croit que je ne sais rien"). Pour le comte, au
contraire, les apartés mettent en évidence ses préoccupations : Suzanne
ne semble pas avoir parlé. Le comte est rassuré ("il veut venir à
Londres"), mais cette confirmation va être remise en cause. Grâce aux
apartés, chaque personnage essaie d’entraîner le public dans son jeu. Il y a
une complicité. Le public connaît tout, les apartés reflètent la situation où
chacun s’efforce de duper l’autre, Figaro veut le prendre à son propre jeu.
Chaque personnage essaie d'entraîner l'autre dans le jeu.
II / La relation maître/valet
1)
jeu du tutoiement et du vouvoiement
Figaro est
respectueux envers le comte, par les mots, il le vouvoie, il l’appelle
« monseigneur » . C’est un beau parleur et un serviteur zélé.
Il dévalorise le comte avec son sens de la répartie. C’est un « serviteur
rusé ». Il a réponse à tout. Figaro incarne l’image d’un homme qui
trompe son maître, et qui est en rivalité avec lui-même sur le plan de
l’amour (Suzanne). Le comte est dans le doute. Il adresse des phrases
blessantes à Figaro(« une réputation détestable »). Il est agacé
par les interventions du valet, il est impatient, il a l’habitude qu’on lui
obéisse. Dans leur duel verbal, il tutoie Figaro pour le rabaisser, alors
qu’au début de la scène, il le vouvoyait. Il existe une véritable relation
de compétition entre le comte et Figaro. Le valet juge son maître sans
indulgence, et n’hésite pas à faire part de ses jugements. Figaro veut faire
preuve d’autonomie, affirmer sa personnalité, il ne veut pas être soumis.
Figaro a souvent des répliques insolentes (« n’humilions pas l'homme
qui vous sert »). Le comte lance les sujets, Figaro, lui, réplique ou les détourne
habilement ( Il limite un reproche indirect, en passant par le vouvoiement). Vérité
générale avec « on » : "Vous lui donnez, mais vous êtes
infidèle. Sait-on…"). Figaro a une position dominante.
2)
L'affrontement de deux groupes
sociaux
L’affrontement
verbal va se doubler d’une affirmation sociale. En effet, la noblesse, représentée
par le comte, et le peuple, représenté par Figaro s’opposent. Figaro impose
ses idées en temps qu’homme du peuple, effronté, courageux et intelligent.
Il défend les valets. Le comte est un seigneur libertin et dominateur, il est
noble, et a tout eu à sa naissance, il n’a pas de mérite réel. De plus, il
montre un certain mépris envers les serviteurs. Pour lui ce sont des gens que
l’on peut acheter, car ils sont inférieurs. Figaro va s’intéresser à la
classe ouvrière, et va rappeler que malgré leur rang social, les domestiques
sont aussi des être humains. Le comte et Figaro ont en commun de convoiter la même
femme, d’être menacé de cocuage, et tous deux cherchent un moyen pour duper
l’autre. Figaro, même s’il défend son intérêt personnel, est aussi le
porte-parole des hommes du peuple. L’enjeu personnel se double d’un enjeu
social.
Conclu
:Cette scène est très représentative de la tonalité des relations
entre le comte et Figaro. La complicité qui les rapprochait dans le Barbier de
Séville s’est transformée en rivalité. Chacun se demande ce que devient
l’autre, mais seul Figaro connaît les intentions de son adversaire. Lors du
duel verbal, le comte se heurte à une « défense serrée ». Dans
cette scène, on assiste au jeu du valet lucide, authentique et intelligent face
à un maître dont l’image pâlit.
|