La Chevelure (de Maupassant)
La Chevelure
La chevelure est une nouvelle fantastique
écrite par Maupassant en 1884.C’est une nouvelle très brève, à l’atmosphère
étrange et envoûtante, qui met en scène trois personnages : le
narrateur, qui tient un discours rationnel sur les évènements, le « fou »,
ou prétendu tel, qui a raconté dans un journal intime avoir eu des relations
avec une revenante, et le médecin, qui lui tient un discours médical. Le fou
est entré en possession d’une chevelure féminine, d’une grande beauté. Il
en est devenu obsédé, jusqu’à croire que la morte lui était apparue, et
est devenue sa maîtresse. Le journal est lu par le narrateur, sans que ce
dernier fasse partie de l’action, sauf à la fin, en tant que témoin.
I / Le fou
Il mène une vie tranquille pendant un certain nombre d’années, et un
jour achète un meuble. Il sera heureux pendant 8 jours. La découverte de la
chevelure, un soir, cachée dans le meuble, est un moment de grande émotion.
Ses sentiments progressent pendant environ un mois, puis une nuit c’est
l’apparition d’une femme. C’est à partir de ce moment là qu’il sombre
dans la folie.
a)
Analyse du moment où il bascule dans la folie :
Il vit dans le passé, il est âgé de 30 ans environ. Il est attiré
par les antiquités, et vit dans le souvenir de femmes Son comportement est fébrile et anormal. On le voit
disparaître dans la folie. Par la suite, il donne une explication rationnelle
à cette fébrilité : c’est la fatigue. "Les morts
reviennent", d’où le fait qu’il bascule dans l’irrationnel. A partir
de cet instant, la relation amoureuse avec la morte et la chevelure est normale
à ses yeux (« je l’ai promenée dans la ville, comme ma femme »).
b)
La perception de la chevelure :
On met en évidence l’animation et la grande beauté de la chevelure.
La chevelure représente la séduction de la femme. Ici, elle possède un caractère
inquiétant d’immortalité. La chevelure est tellement animée, que l’auteur
la personnifie en femme. Elle est assimilée à une femme aimée.
c)
La description de la revenante :
La chevelure est le prolongement de la femme. La "ligne ondulante
et divine" représente la chevelure, la femme. Cette femme n’a pas de
caractère immatériel. Elle a une plénitude charnelle, que l’on n’attend
pas chez un fantôme. On peut associer cette plénitude à ce que l’homme va
devenir. Le mot « posséder » revient deux fois. On a en fait à
faire à deux occurrences (apparition d’un mot). Il y a le renversement de la
situation possesseur possédé. C’est le fou qui est possédé par la
chevelure, et non pas la chevelure qui est possédé par le fou.
II / Le point de vue du médecin
a)
Le discours scientifique :
Le médecin est un homme froid, qui tient un discours médical. La
référence au sergent Bertrand va atténuer le côté exceptionnel de la chose.
L’amour des morts est une maladie comme une autre. Le fait d’évoquer le
sergent Bertrand montre le dérangement mental du fou. Aux yeux du médecin,
tous ces évènements étranges ont pour origine le cerveau humain. Le fou est
tout simplement nécrophile, il soulage ses pulsions sexuelles sur les cadavres.
b)
Le comportement vis à vis de la chevelure :
On constate que le médecin range la chevelure. Il ne l’investit pas
d’une signification particulière. Pour le fou, c’est une relique du passé,
pour le médecin, elle ne l’est pas, et elle n’a rien de sacré.
III / Le point de vue du second narrateur, le visiteur de
l’asile :
a)
Attitude vis à vis du fou :
Le second narrateur est peut-être un journaliste qui fait une enquête
sur un asile. La lecture du journal intime du fou l’a troublé. Le narrateur
éprouve un sentiment de pitié, et
de la compassion envers ce fou ( « ce misérable » ).Cet homme est
caractérisé par l’émotion, il est ému. Il est étranger au domaine médical,
son discours s’oppose donc à celui du médecin, d’où des majuscules, qui
personnifient l’idée. Son point de vue est irrationnel.
b)
Attitude vis à vis de la chevelure :
Le narrateur va présenter la chevelure
avec une double image ( verbe d’action : « voler », qui tend
à personnifier la chevelure). On dirait que la chevelure se dirige
volontairement vers le narrateur. La fusée évoque un signal d’alarme, de
danger, et rappelle la comparaison avec une comète. L’ « oiseau
d’or » représente la beauté. On a l’impression que la chevelure vit,
elle se déplace toute seule, réagit… Par la suite, on a aussi l’impression
que la chevelure donne une caresse au narrateur. Cette chevelure est en fait un
objet mort, qui a complètement anéanti son propriétaire. L’attitude du
narrateur est ambivalente : il est à la fois attiré par la chevelure,
mais il est aussi craintif. Cette attitude donne à la nouvelle un caractère
fantastique.
Conclu : Après la lecture du journal, c’est le retour à
la réalité de l’hôpital psychiatrique. La situation devrait donc être sans
aucune ambiguïté. Mais la chevelure jette à nouveau le trouble, il subsiste
un vent de mystère : elle exerce un véritable pouvoir sur des êtres
pourtant sains d’esprit. Dans cette nouvelle, il ne se passe pas d’événement
totalement incroyable, car il n’est pas vrai que les morts reviennent, et le
jeune homme est réellement fou. Mais aucune explication rationnelle ne permet
de comprendre ce pouvoir de la chevelure à la fin du texte : le narrateur
est-il devenu fou à son tour, ainsi que le médecin ? A chaque lecteur de
trouver sa propre réponse.
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